«Chaque première fois qui se passe bien est une étape dans la construction de sa personnalité.»
La chose peut vous sembler bien loin maintenant, mais prenez un instant pour tenter de vous rappeler la première fois où vous êtes allés chez le coiffeur ou le dentiste, votre première journée à l’école, votre première journée de travail, votre premier amour. De quoi fut faite cette aventure ? Fut-elle agréable ?
Notre vie est faite de nombreuses premières fois et ces évènements ont plus d’importance qu’on serait tenté de le croire, surtout chez les enfants plus jeunes. En effet, avec le temps, nous apprenons à gérer les premières fois, à les distinguer selon la nature, à contrôler nos émotions voire à refuser certaines premières fois (faut-il vraiment que je saute en parachute une fois dans ma vie ?).
Plus un enfant est jeune et plus il a besoin d’aide pour apprivoiser la première fois. Imaginez un peu le choc de la séparation qu’un enfant de deux ou trois ans va connaître lors de son premier jour à la garderie. Depuis sa naissance, il a passé presque tout son temps avec l’un de ses parents et voilà qu’une personne étrangère, un milieu différent, entre dans sa vie. La chose sera encore plus difficile s’il sent l’inquiétude et le stress de ses parents.
Les premières fois sont déterminantes dans le développement de l’enfant. Elles lui permettent de construire sa confiance en soi et en l’autre ou de réaliser des apprentissages relatifs à certains comportements (par exemple le silence au cinéma, donner suite à des consignes, etc.).
De manière générale, dès que l’enfant est capable de s’asseoir, on peut commencer à l’aider à apprivoiser ses premières fois. Cependant, il vous appartient de gérer les situations. Ainsi, si votre animal de compagnie est un grand danois, il se pourrait que votre enfant puisse ressentir une certaine crainte devant l’enthousiasme du grand chien. Apprivoiser, ça veut dire adopter une approche qui aide à comprendre, à contextualiser. (pensez au Petit Prince et à son renard) D’abord, de loin, l’enfant observera l’animal. Sa curiosité aidant et avec votre soutien, il pourra toucher et caresser le chien, il pourrait par la suite lui offrir une gâterie, etc. L’objectif est de faire en sorte que ça se passe bien.
Un jour, vous devrez aller chez le dentiste ou le coiffeur, prenez le temps de lui expliquer le pourquoi, le quoi et le comment afin qu’il puisse se faire une idée de ce qui va arriver. À la limite, il pourrait être correct d’arriver un peu avant votre rendez-vous. L’enfant pourra observer les lieux.
Les premières fois sont conditionnées par le contexte, les personnes et la situation. Un milieu accueillant et gai dans lequel évoluent des personnes qui ont l’habitude des enfants est un facteur favorable. Un enfant qui se rend chez un professionnel de la santé pour recevoir un traitement pourrait associer la première fois à ce qu’il a vécu et, s’il n’a pas été préparé, développer une réaction négative malgré les personnes et le contexte.
Votre enfant va grandir et, malgré tout votre soutien, les premières fois seront marquées par des échecs. La chose est normale. Plusieurs actions impliquent des apprentissages à faire. L’échec, avec votre aide, devient source d’apprentissage. En adoptant cette stratégie d’accompagnement, vous amenez votre enfant à apprendre à apprendre. En effet, cette manière d’aborder l’échec lui sera utile non seulement durant son parcours scolaire, mais tout au long de sa vie. L’échec n’est pas une fin, mais une étape dans un apprentissage menant à une autre première fois.
Il se pourrait que votre enfant soit craintif, voire anxieux, face à une situation nouvelle. Essayez de comprendre pourquoi. Parfois la réponse est simple. Par exemple, il pourrait craindre les serpents juste parce que vous ne les aimez pas. Pour l’enfant, c’est une réaction de protection par association. La chose pourrait être problématique si, juste à l’annonce d’une nouveauté ou d’un changement, il en perd le sommeil ou l’appétit. Si c’était le cas, il serait bon de consulter un médecin.
Il y a des premières fois qui sont marquantes, un peu comme des rites de passage. Le passage en première année est de celle-là. L’enfant est plus ou moins conscient que sa vie va changer, que lui-même va changer. S’il est l’ainé de la famille, il pourrait avoir besoin de vous pour apprivoiser la situation. Au besoin, si nécessaire, amenez-le visiter les lieux, juste pour qu’il ait des repères. S’il doit prendre le bus scolaire, pourquoi ne pas l’accompagner.
En fait chaque enfant est différent. Les premières fois sont des étapes dans le développement de son autonomie. Ne plus porter de couche, s’habiller seul, choisir ses vêtements, aller souper chez des amis (seul…), lancer et recevoir un ballon, siffler… Chaque première fois qui se passe bien est une étape dans la construction de sa personnalité. Il vous appartient de faire en sorte que ça se passe bien et que le cas échéant, la chose soit constructive.
Jacques Belleau, pédagogue expert