«En tant que parent et éducateur, il faut être conscient de l’impact de nos actions sur les enfants qui vivent avec nous. Ce que nous considérons normal et acceptable le sera pour eux… mais est-ce que nous voulons leur transmettre ?»
Les enfants aussi bien au préscolaire qu’à l’école apprennent beaucoup par imitation. Ils vont agir et réagir comme les adultes qui les entourent. Par exemple, si un adulte exprime sa peur de l’eau et adopte une attitude projective de l’enfant en l’éloignant d’un cours d’eau, il est certain que l’enfant va associer dans son cerveau « eau » et « danger ». L’adulte a probablement un vécu qui explique sa peur de l’eau. C’est légitime, c’est la manifestation d’une émotion qui a cependant pour conséquence de soustraire l’enfant à des apprentissages de base et à des stimulations a un moment important de sa vie.
Ce qui est vrai pour la peur l’est aussi pour bien d’autres éléments du quotidien. La banalisation d’un comportement, par exemple grimper dans le pommier du voisin pour cueillir des fruits, peut sembler anodine, mais le fait de ne pas réagir lorsqu’on a connaissance de la situation constitue une occasion ratée sur le plan éducatif. La question de départ est celle de l’appropriation du bien d’autrui. Qui se rendra compte de l’absence de quelques pommes ? Est-ce bien grave ? Sur le fond, le dommage n’est pas important, mais sur la forme c’est différent. L’enfant n’est-il pas en train d’apprendre qu’on peut s’approprier des petites choses sous le prétexte qu’elles ne manqueront pas à son propriétaire. Qui sait si elles ne lui manqueront pas ? C’est une appréciation personnelle et le voisin pourrait avoir une autre perception de la chose. En fait, la logique éducative c’est d’amener l’enfant à distinguer ce qui lui appartient de ce qui est la propriété des autres, c’est le respect. S’il souhaite cueillir des pommes, il peut demander la permission. D’autre part, il y a aussi l’aspect sécuritaire à gérer dans cette situation. Qui aurait été responsable si l’enfant avait chuté de l’arbre et s’était blessé sérieusement ? Cette situation est typique d’une étape du développement de l’enfant, celle où il doit développer son appréciation des situations et son jugement moral autonome. Sans l’aide des adultes, il lui sera difficile d’apprendre.
Parfois, la colère nous amène à émettre un jugement sur le comportement d’autrui ou même de notre enfant. « C’est pas ta sœur qui aurait fait ça, elle sait se comporter, elle. » Ces jugements ne reflètent pas nécessairement notre pensée, surtout s’il s’agit de notre enfant, mais sous le coup de la colère c’est ce qui est sorti. Votre enfant comprendra (se verra confirmer dans son propre jugement) qu’il a mal agi, mais sans pour autant identifier en quoi il a mal agi s’il n’y a pas un retour sur la situation. En fait, l’enfant pour se construire à besoin qu’on le reconnaisse et qu’on le confirme dans ses actions. Le geste posé peut avoir mal été interprété, l’action de vouloir aider peut avoir dégénéré, etc. Si l’enfant n’a pas l’occasion de s’expliquer, de comprendre la réprimande, il risque de développer un sentiment d’injustice et de repli sur soi, surtout si la réprimande s’est fait en public ce qui ajoute l’impact de l’humiliation à la situation.
Il vous arrive peut-être de répéter à votre enfant des petites phrases qui témoignent de votre système de valeur. « Finis ton assiette, on ne gaspille pas les aliments ». Encore une fois, sur le fond, il n’y a rien à redire, la remarque est légitime, c’est sur la forme que la réflexion est à faire. Répétée sans mise en contexte, sans explication, sans encadrement, ce genre de phrase peut avoir un impact sur l’image que l’enfant développe de lui-même ou sur son rapport à la nourriture. L’action éducative est d’amener l’enfant à exprimer son appétit et au parent à interpréter l’information de l’enfant. À terme, l’objectif c’est de ne pas avoir à répéter la phrase sur le gaspillage des aliments parce que l’enfant aura appris à exprimer ses besoins.
La répétition d’un jugement ou d’une opinion (« Tu fais bien ça. » ou « Bel effort, tu t’améliores. » ont un effet sur l’enfant surtout lorsqu’elle provient d’un adulte significatif (parent, enseignant, etc.) pour l’enfant. Ce sont des récompenses importantes qui correspondent à une petite tape dans le dos. Sans en abuser, il faut bien voir dans la répétition de ces petites marques de reconnaissance des encouragements pour que l’enfant développe sa confiance et sa persévérance.
Cette propension des enfants à mimer ou à adopter l’attitude des adultes faits en sorte qu’ils puissent être en phase avec le milieu social dans lequel ils vivent. Il est question ici des attitudes, des attentes voire des valeurs qui sont transmises au quotidien à travers des petits gestes ou des petites phrases. L’ensemble de ces éléments construisent l’identité et la personnalité de l’enfant. En fait, en tant que parent et éducateur, il faut être conscient de l’impact de nos actions sur les enfants qui vivent avec nous. Ce que nous considérons normal et acceptable le sera pour eux… mais est-ce que nous voulons leur transmettre ?
Jacques Belleau, pédagogue expert
Références Références :
Burgun, Isabelle (2012). Les enfants nous imitent pour apprendre et s’améliorer. http://naitreetgrandir.com/fr/nouvelles/2012/05/28/20120528-imitation-apprentissage/
Le développement moral.
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_09/d_09_s/d_09_s_dev/d_09_s_dev.html
Todorov, Tzvetan (2002). Sous le regard des autres.
https://www.scienceshumaines.com/sous-le-regard-des-autres_fr_2658.html